En Mai 2018 se tenait le mois de la fantasy, un challenge littéraire organisé par Pikiti Bouquine, pour lequel comme son nom l’indique on doit lire le plus de livres de fantasy possible en un mois. Comme il s'agit de mon genre de prédilection c’est avec grand plaisir que j’ai relevé le défi et que je me suis procurée la lecture commune du challenge, Neverwhere, le roman d’urban fantasy de Neil Gaiman, un auteur que j’aime beaucoup. L’urban fantasy est un sous-genre de la fantasy qui m’intrigue et dont j’ai envie de découvrir plus de romans. Il s’agit de retrouver des créatures imaginaires comme dans la fantasy classique mais dans un univers plus urbain et civilisé. Dans Neverwhere c’est direction Londres que nous allons.

Neil Gaiman, Neverwhere

On va suivre Richard Mayhew qui s’installe à Londres pour son nouveau travail dans un bureau quelconque. Il mène une vie banale avec sa fiancée lorsqu’il croise le chemin de Porte, une jeune fille en fâcheuse posture, poursuivi par des hommes étranges. N’écoutant que sa bonne conscience il lui sauve la vie et l’emmène chez lui. Mais lorsque la jeune fille énigmatique s’en va, il va vite se rendre compte que quelque chose cloche. Plus personne ne le voit, sa fiancée le quitte, des inconnus viennent habiter chez lui : c’est comme s’il n'existait plus. Il va alors découvrir qu’il ne peut que se réfugier dans le Londres d’En Bas, dans les égouts et des endroits crasseux où vivent des créatures fantastiques, et des gens que ceux d’En Haut ont oublié eux-aussi. En retrouvant Porte il va alors tout faire pour tenter de retrouver sa vie normale.

Comme toujours avec les romans de Neil Gaiman ce fut une excellente lecture qui confirme qu’il s’agit d’un de mes auteurs préférés actuellement. La genèse de ce roman est un peu compliquée puisqu’il s’agit à la base d’une série TV écrite par Neil Gaiman pour la BBC en 1996 mais qui s’est avérée peu satisfaisante pour lui. Dès lors, il s’est lancé dans l’écriture d’un roman pour y inclure tous les passages qui avait été coupés dans la série. Puis il a maintes fois remanié son texte et c’est la version définitive de 2005 que j’ai pu lire chez les éditions J’ai Lu. À la façon d’Alice qui se retrouve au Pays des merveilles ou de Dorothée qui tombe au pays d’Oz, Richard se retrouve dans le Londres d’En Bas, un endroit absolument pas merveilleux mais crasseux, plein de dangers et peuplé d’êtres étranges et de laissés pour compte.

Jeune homme. Comprenez bien une chose : il existe deux Londres. Il y a la Londres d'En Haut – c'est là que vous viviez – et puis il y a la Londres d'En Bas, l'En Dessous – qu'habitent ceux qui sont tombés dans les failles de ce monde. Vous appartenez désormais à leur nombre. Il faudra vous débrouiller de votre mieux ici-bas. Avec les égouts, la magie et le noir.

Comme Richard nous sommes perdus dans ce Londres d’En Bas, on ne comprend pas ses règles, on ne sait pas qui est Porte, qui la pourchasse ni pourquoi. Donc pour apprécier ce roman il faut accepter de se sentir un peu largué et d’obtenir des réponses au compte-goutte. Mais tout le talent de Neil Gaiman pour nous raconter une histoire est bien là et c’est grâce à son style si particulier et à sa faculté de parfaitement retranscrire l’ambiance et l’atmosphère de Londres qu'il nous plonge entièrement dans cet univers. D’autant que, tout en décrivant des lieux peu recommandables, la poésie reste présente. L’auteur connait Londres comme sa poche, ponctuant son récit de détails historiques ou géographiques intéressants sur Londres, et on s’y croirait. Deux lieux sont particulièrement marquants comme le métro et ses stations dont l’auteur a pris au pied de la lettre leurs noms, de façon à les rendre fantastiques et bizarres : il y a ainsi vraiment une cour du Comte à Earl’s Court par exemple. Ou encore le fameux marché flottant où on peut acheter tout et n’importe quoi, des cauchemars, aux objets cassés ou perdus en passant par des cadavres. Le talent de description de Neil Gaiman est tel qu’on sent tout jusqu’au délicieux fumet de la nourriture vendue, souvent du chat...

Si l’univers est riche, on a également droit à des personnages hauts en couleurs ! Comme dans toute bonne quête initiatique notre héros, Richard, n’est pas trop dégourdi, n’a pas trop de personnalité au début et sera même un poids pour Porte et ses camarades dans le Londres d’En Bas, jusqu’à ce qu’il commence enfin à s’affirmer et trouver qui il est et ce qu’il veut. Avec Porte, une jeune fille ayant le don de pouvoir ouvrir toutes les portes et serrures, ils forment une équipe assez improbable avec entre autres le marquis de Carabas ou encore Chasseur qui nous réservent eux aussi leur lot de surprises. Mais ce roman ne serait pas un excellent roman sans deux méchants tout à fait originaux, cruels et horribles au possible Mr Croup et Mr Vandemar. Si le premier nous fait mourir de rire avec son langage en contraste avec sa cruauté, l’autre est évidemment une brute pas très intelligente qui ne pense qu’à manger. Encore une fois ils forment un duo étrange et fonctionnent à merveille dans l’ambiance glauque du récit.

Il existe quatre moyens faciles, si on est observateur, de distinguer M. Croup de M. Vandemar : d'abord, M. Vandemar mesure deux têtes et demie de plus que M. Croup ; ensuite, M. Croup a des yeux d'un bleu de porcelaine fané tandis que M. Vandemar a les yeux marron ; en troisième lieu, si M. Vandemar a fabriqué à partir des crânes de quatre corbeaux les bagues qu'il porte à la main droite, M. Croup n'arbore aucun bijou ; quatrièmement, M. Croup aime les mots, tandis que M. Vandemar a toujours faim. Et de plus, ils ne se ressemblent absolument pas.

Neverwhere ne sera peut-être pas le Neil Gaiman qui convaincra tout le monde ni le plus aisé pour débuter ses romans, mais il m’a personnellement totalement séduite. Son univers sombre dans les sous-sols de Londres, son humour décalé typiquement britannique, ses personnages barrés et ses créatures toujours reliées de près ou de loin au folklore et aux mythologies en font un excellent roman d’Urban Fantasy. Si l’intrigue en elle-même qui consiste à retrouver l’assassin du père de Porte manque peut-être un peu de surprise le roman parvient tout de même à nous maintenir en haleine et à questionner notre société et le fait de croire. Une très belle lecture que je recommande, pour laquelle 500 pages sont presque trop peu, car à la fin, on a qu’une envie, en savoir plus sur cet univers et y replonger dès que possible.

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