La saga du Clan des Otori de Lian Hearn, qui regroupe au total 5 livres, nous plonge au sein d'un univers de fantasy inspiré du Japon médiéval et nous livre avec poésie une histoire de découverte de soi, d'amour, d'aventure et de conflits politiques. Si à première vue ce n'est pas le type de roman vers lequel je me tourne habituellement, c'est avec plaisir que j'ai découvert celui-ci, qui m'a été offert.

Le Clan des Otori Tome 1

Au 14ème siècle de ce monde qui comprend trois grands pays sous le joug des Tohan, Takeo vit au sein de la communauté pacifique paysanne des Invisibles dans le petit village de Mino. Un jour, son village et sa famille sont massacrés par le Clan des Tohan et leur chef Iida. Sauvé in extremis par sire Shigeru du Clan des Otori mais pourchassé à cause de ses origines et de son affront envers Iida, Takeo va devoir changer d'identité et s'investir au sein de son nouveau clan, celui des Otori. Au fur et à mesure du temps qui passe et que son envie de vengeance grandit, Takeo développe son potentiel et acquiert des talents qu'il ne pensait pas avoir et qui vont interpeller la Tribu. Alors que le seigneur Iida, à l'abri dans sa forteresse d'Inuyama et protégé par le "parquet du Rossignol" qui chante lorsque quiconque s'aventure dessus, prépare un mariage qui renforcera sa main mise sur le clan des Otori, Takeo devra choisir entre l'amour, la vengeance et ses engagements...

Ce n'est que depuis récemment que je m'intéresse aux romans asiatiques ou ayant un univers inspiré du folklore japonnais et ce qui est certain c'est que plus je me plonge dans ses univers plus ils me séduisent et m'emportent. Ici encore c'est un vrai dépaysement qui attend le lecteur occidental novice. Si l'autrice Lian Hearn est australienne, sa passion et sa connaissance du Japon sont indéniables. Dans cet univers fictif se rapprochant très fortement du Japon médiéval, on trouve des traditions différentes des nôtres, une ambiance bien particulière et surtout une faune et une flore atypique dues aux nombreuses scènes de voyages et de périples du roman. Mais ce qui m'a le plus emportée ici, grâce au style poétique et doux de l'autrice, ce sont les descriptions des paysages et plus particulièrement des sons. À la manière du chef d’œuvre Le Parfum de Patrick Süskind, Lian Hearn parvient à nous faire véritablement entendre toute une panoplie de sons de la nature et de la vie de cet univers, mais laisse également la part belle au silence qui prend corps dans le récit. Grâce à un champ lexical varié du son et un aspect contemplatif on parvient à mieux cerner la faculté du jeune Takeo qui peut entendre mieux que la moyenne chaque son aussi infime soit-il de la vie qui l'entoure. Un don bien précieux qui lui vaut d'être convoité à la fois par le Clan des Otori et par la fameuse Tribu.

Chaque après-midi, le héron revenait au jardin. Il planait au-dessus du mur comme un fantôme gris, se repliait de façon invraisemblable et venait se planter dans la pièce d'eau, immobile comme une statue de Jizo.[...] Le héron frappait si vite que l’œil n'avait pas le temps de le suivre et il se redressait avec une petite proie gigotante au bout du bec avant de reprendre son vol. Ses premiers battements d'aile étaient aussi bruyants qu'un éventail manié d'une main brusque, mais il s'éloignait ensuite aussi silencieusement qu'il était apparu.

Cette saga qui promet d'être axée plutôt pour la jeunesse peut finalement être lue par tous puisque si on a vu que l'écriture n'a rien à envier aux meilleurs, c'est également le cas pour les thèmes traités par cette histoire qui allie poésie délicate et violence. L'univers dans lequel évolue Takeo est beau mais sans pitié. Rappelons que nous sommes dans une époque médiévale et que la quête du pouvoir est au centre de l'univers. Les jeux politiques vont bon train et ne sont pas sans violence, trahisons et bains de sang. L'autrice n'épargne pas ses personnages et nous livre un monde cru ou la douleur côtoie la loyauté, ou la beauté et l'honneur sont parties prenantes du récit.

Le jardin était plein des parfums et des rumeurs du printemps. Éclairés par la lune, les premiers arbres en fleurs brillaient d'un éclat limpide et fragile. Leur pureté me perça le cœur. Comment le monde pouvait-il être à la fois si beau et si cruel ?

L'humain et les émotions sont également au centre de l'histoire puisqu'elle ne manque pas de personnages bien construits, intéressants avec une histoire qui leur est propre et que l'on apprend à connaitre au fil du livre. Si j'avais au premier abord peur de me perdre avec un trop grand nombre de personnages et de clans dans un univers qui m'étais inconnu, j'ai été très vite rassurée par la faculté de l'autrice à les introduire petit à petit dans un tout cohérent et toujours digeste. On va principalement suivre le parcours de deux jeunes adolescents, le fameux Takeo et la jeune Kaede qui vivent chacun de leur côté mais vont se rencontrer, se réunir et lier leurs destins. On va alors suivre une vraie belle histoire d'amour impossible, qui a du sens et ne prend pas le pas sur le reste de l'histoire. Le tout est savamment dosé et on s'attache facilement à chacun d'eux.

On a donc des personnages attachants et bien caractérisés mais surtout forts et en avance sur leur temps malgré un univers sans pitié qui fait du mariage un acte politique. Si aujourd'hui les auteurs s’efforcent enfin (et encore) d'intégrer à petite dose des revendications féministes et des personnages aux sexualités diverses en insistant lourdement sur cet exploit, ce n'était vraiment pas le cas il y a une dizaine d'années ou ces représentations étaient tout simplement absentes des livres grand public. Ce que contredit finalement ce roman datant de 2002 qui propose un personnage principal avec une bisexualité qui n'est ni célébrée, ni pointée du doigt et ni sujette aux harcèlements, mais qui est mentionnée en toute simplicité. Quant aux femmes, on retrouve des personnages forts tout en étant opprimés, intelligents et pertinents sans être ridiculement badass. L'autrice met en évidence les nombreuses injustices faites aux femmes qui, bien que se situant dans un monde de fantasy imaginaire, sont à rapprocher de celles que nous avons toujours connues. L'autrice parvient donc, en plus de créer une histoire palpitante et pleine d'aventures, à proposer une sous-lecture pleine de critique de notre société et toujours d'actualité.

Ce premier tome du Clan des Otori m'a absolument conquise et transportée dans un univers mêlant poésie, douleur et violence. Dans cette histoire alliant complot politique et univers inspiré de la culture japonaise on suit avec vif intérêt les aventures du jeune Takeo, tiraillé entre son devoir et un destin qui l'attend. Cérémonie du thé, art et combats s'entremêlent pour nous plonger dans un monde fascinant qui nous emporte. Pour petits et grands, cette histoire parlera à beaucoup, y compris aux non-amateurs de fantasy. Car si la magie est présente dans ce premier tome, elle y est subtile et joue un petit rôle puisque les humains et leurs choix sont au centre du récit. C'est donc sans aucun doute que je lirai le second tome de cet univers si vaste qui reste encore à explorer.

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